« Je suis enceinte ?». Non, pas moi ;-), mais c’est ce que m’avait dit ma femme. Difficile de faire celui qui ne s’y attendait pas. Non pas qu’on cherchait désespérément à avoir un enfant depuis des mois, mais bon on en avait tous les deux envie, sans forcément stresser sur la date et on ne prenait aucune précaution pour ne pas y arriver.
Alors au premier abord on est content, on ne réalise pas trop. On se dit quand même que tout est allé si vite, qu’on pensait que ça prendrait plus de temps. On a tous des amis ou des connaissances qui ont essayé, ont eu du mal, ou pensent carrément à l’adoption.
Alors on est un peu surpris quand même d’avoir la chance d’être bien conçus, tout les deux. C’est à ce moment là qu’apparaît la fameuse question : « Suis-je le père ? ». Paf, une claque dans la gueule. Non mais je voulais dire : « Comment être sûr que c’est moi le père ? ». Paf, re-claque dans la gueule. Là, au moins c’est clair, je suis le père.
Apparemment il ne nous est pas permis de douter, d’avoir des appréhensions. C’est sûr pour elle c’est facile ! Comment douter que ce n’est pas elle la mère ! Alors on continue de vivre comme si de rien n’était, en prenant juste quelques précautions sanitaires particulières pour que la grossesse se déroule bien.
Puis vient l’heure des premiers RDV médicaux, j’entends par là, la première échographie. On s’inscrit à l’hôpital, on voit des secrétaires, des médecins, des sages femmes, avec systématiquement la même question à chaque fois : « Vous êtes le père ? ». Boum.
On avait presque mis nos doutes de côté, on s’interroge, on ne sait pas quoi dire. Alors pour ne pas exposer à nouveau nos doutes à notre conjointe, on dit oui, machinalement. On doit bien le répéter une bonne centaine de fois jusqu’à l’accouchement final, tellement de fois qu’on finit presque par en être persuadé nous-même.
On serait en droit de s’interroger finalement sur la provenance de ces craintes, et sur leur but. Enfant des années 80, issu de la génération Star Wars, on a tous été hantés par la phrase que prononce Dark Vador : « je suis ton père ». Moment clé du film où le jeune Jedi apprend que son ennemi juré n’est autre que son paternel.
Alors on se dit, si ceux qui savent ne le disent pas, et si ceux qui ne savent pas, ne font pas tout pour le savoir, que faire alors ? Suis-je bien le fils de mon père ? Suis-je bien le père de mon fils ?
Les tests ADN avant accouchement sont très dangereux pour l’enfant. Et après il sont très dangereux pour le père, soit parce qu’il apprend que ce n’est pas le sien, soit parce qu’il apprend que sa femme le quitte car il est allez trop loin dans la connerie. Perdant à tous les coups. Après la naissance cela ne s’arrange pas. Mon fils est blond. Pas moi. Il a les yeux bleu/gris, ça vire marron. Pas moi. Il n’a aucune dent. J’en ai des tas. Combien d’années à attendre de voir s’il nous ressemble. Pourquoi a-t-il toujours le visage de sa mère et le caractère de son père ? Pourquoi personne ne trouve qu’il me ressemble physiquement ?
Cette question m’a tracassée un bon nombre de fois. Non pas que je doutais de la fidélité de ma compagne, mais étant doté d’un esprit cartésien, j’ai besoin de le vérifier. J’ai fini par en rire, quand il est né.
J’avais pourtant soulé mon entourage avec cette question. Et puis je me suis dit, si c’est un beau bébé, c’est forcément le mien. La question disparaît vraiment avec la naissance de l’enfant.
On se dit que de toute façon, s’il n’était pas le mien, je préférerais ne pas le savoir, et juste vivre l’instant présent, profiter de mon enfant. Ce n’est qu’au bout d’un petit moment que j’ai vu apparaître des signes physiques qui nous associaient tous les deux. Et là je me suis dit: « je suis le père ». Et pour les moqueurs, j’ai trouvé la parade. Car il y en a toujours qui cherchent à mettre votre paternité en doute. J’ai donc mis en ligne une photo de mon bébé, pour que ceux, et surtout celles qui me connaissent bien, ne doutent plus non plus. Car depuis que j’ai répondu à cette question, je suis enfin en paix, prêt à m’en poser des milliers d’autres.